Le frelon asiatique…encore et toujours

Inquiet de la prolifération sans cesse croissante de cet hyménoptère, le Rucher du Périgord, apporte depuis 2008, son modeste concours aux scientifiques chargés, au niveau national , de l étude de l envahisseur. Sans prétention aucune. Et cela ne nécessite aucun investissement particulier, remboursable par les pouvoirs publics.

Ainsi, le Lundi 14 Décembre 2009, nous avons récupéré un nid de V.V. insecticidé, en très bon état. Pensant que la population était morte, et en attente de l utilisation que nous souhaitions en faire, nous avons placé le nid à l extérieur. Durant la semaine, il a neigé et fait très froid: -10°C dans notre secteur.

Le Dimanche 20 Décembre, le soleil a réchauffé le nid. La température s est élevée et, vers midi, Ô surprise, nous avons vu des frelons sortir par les orifices de leur demeure; de beaux spécimens, bien dodus: 12, puis 9 puis 14…
Nous les avons placés dans une boîte au couvercle perforé et mis au congélateur. Les jours suivants, à chaque retour du redoux, de nouveaux individus quittaient le nid.
Attentifs à leur sortie, nous les avons mis « à l abri » avec un peu de candi pour leur permettre de bien passer les fêtes de fin d année et d être utilisables par les scientifiques.

Enfin le Mardi 5 Janvier au matin, nous avons décidé d ouvrir le nid. Nous avons découpé la partie inférieure sur laquelle se trouvaient les frelons restants. Beaucoup étaient sur le dos, remuant seulement les pattes. Nous avons sélectionné tous ceux qui nous paraissaient vivants. Nous leur avons permis de se réchauffer dans une pièce de la maison. Lorsqu ils se sont remis sur leurs pattes et ont quitté le plateau sur lequel nous les avions rassemblés, nous avons estimé qu ils étaient assez guillerets pour supporter le voyage par Chronopost jusqu au Muséum National d Histoire Naturelle qui nous a confirmé leur réception le lendemain.

Si nous relatons cet évènement, c est pour dire que rien n est acquis. Il est donc inexact de penser que les nids que nous découvrons dans les arbres dépouillés de leurs feuilles sont déjà désertés.
Le 12 Novembre 2008, un nid, lui aussi « insecticidé », a vu ses habitants se réveiller le lendemain. Une analyse de population a permis de dénombrer 1493 individus dont 70% de femelles.
Mme C. Villemant, nous dira, le moment venu, ce qu elle a pu tirer de notre envoi aux trois contenus séparés et quelles sont ses conclusions.

En attendant, le Rucher du Périgord poursuivra avec elle, avec G. Arnold, M. Arca du C.N.R.S. et D. Thiery de l I.N.R.A. de Bordeaux sa cordiale coopération.˜

Réponse à l’ article « Le frelon asiatique…encore et toujours »

Nous avons disséqué tous les individus que vous nous avez envoyés le 05 Janvier 2010. C’étaient toutes des femelles non fécondées et souvent abîmées (c’est le cas, quand il n’y a pas assez d’ouvrières pour les aider à sortir du cocon ou quand les conditions environnementales ne sont pas favorables). Quant au nid, construit en 2009, et recueilli en Avril 2010, les individus vivants ne peuvent pas être des ouvrières.
Ces dernières sont beaucoup moins grasses et ne peuvent donc pas passer l’hiver. Ce sont des femelles sexuées, normalement de futures fondatrices, mais elles ont émergé trop tard, et ont été coincées au nid par le froid.
Elles se réveillent donc au printemps, mais il n y a plus de mâles pour les féconder donc, elles ne pourront pas fonder de colonies.
Ce que nous ne savons pas encore, c’est si leurs ovaires vont se développer, et qu’elles vont fonder des colonies non viables, et si elles vont agir dans la compétition, c est à dire dans la mortalité d autres femelles fécondées.

Quentin Rome et Claire Villemant du Muséum National d Histoire Naturelle

Recommandations du Muséum National d’Histoire Naturelle pour la lutte contre le frelon asiatique

Une lutte irraisonnée contre une espèce invasive peut conduire à favoriser son installation.
Cela a été trop souvent le cas.
Les espèces invasives ont en général une très forte capacité d’adaptation et de dispersion.

C’est le cas du frelon asiatique à pattes jaunes, Vespa Velutina. Les méthodes de lutte qui ont un impact sur le reste de l’environnement risquent donc de desservir nos espèces locales en faveur du frelon asiatique.
Dans l’attente de nouvelles découvertes et de meilleures méthodes de lutte, il vaut mieux suivre les recommandations suivantes:

– Eviter le piégeage des femelles fondatrices de frelon asiatique. En effet c’est la période de l’année où la lutte contre Vespa Velutina est la plus vaine. Cette espèce produit de très nombreuses femelles fondatrices (jusqu à plus de 300 pour un très gros nid), et le printemps est la période où la mortalité des fondatrices (de frelons comme de guêpes) est la plus élevée, en grande partie du fait de la compétition intervenant entre individus de la même espèce. Détruire certaines fondatrices à cette période ne fait que laisser la place à d’autres.

De plus, il n’y a actuellement aucun piège réellement sélectif vis-à-vis du frelon asiatique. Même un piège dit « sélectif » a un impact sur les insectes non ciblés, car si une sélection physique partielle a lieu pour certains insectes (trop gros pour pénétrer dans le piège ou assez petits pour s échapper par les petits trous latéraux), le séjour, même court, dans un piège peut avoir un impact (excès de chaleur, humidité, etc…) sur la survie ou la fécondité des insectes capturés. Pour qu un piège soit réellement efficace, il faut que son appât soit attractif pour le frelon asiatique, répulsif pour les autres insectes et durable dans le temps.

Des recherches dans ce sens par l’I.N.R.A. de Bordeaux et par au moins une entreprise privée (Veto-Pharma) sont en cours.

– En cas d’attaque de frelon asiatique sur un rucher et uniquement dans ce cas. Il faut poser des pièges à sélection physique (pour diminuer l’impact sur les autres espèces), avec comme appât du jus de vieille cire fermentée (appât qui a donné de bons résultats dans ces conditions), mais il ne faut poser les pièges uniquement qu au niveau du rucher. Ceci permet de diminuer la pression de prédation et d’affaiblir les colonies de frelons. Ces pièges doivent être en général posés à partir de Juillet et jusqu à la fin de la saison.

– La destruction des colonies reste la méthode la plus efficace pour diminuer les populations de frelons asiatiques. Celle-ci doit se faire le plus tôt possible et jusque fin Novembre. Le frelon asiatique étant diurne, les nids devront être détruits à la tombée de la nuit ou au lever du jour. Ainsi la quasi-totalité de la colonie pourra être éliminée. La destruction des nids au cours de la journée fait augmenter considérablement les risques d accident.
Tous les individus volant hors du nid ne seront pas tués et pourront rapidement reconstruire un nid à proximité; ils resteront en outre très énervés plusieurs jours durant. Si la reine est encore vivante, la colonie pourra encore produire des mâles et des femelles sexués, mais si la reine est morte, la colonie ne produira plus que des sexués mâles; dans les deux cas, l’activité de prédation sera poursuivie. A ce jour, les meilleures techniques de destruction utilisent la perche télescopique pour l’injection d’insecticide.
Il faudra ensuite descendre le nid et le brûler pour que les insectes morts et l’insecticide ne soient pas consommés par les oiseaux. Si le nid est accessible, il est possible de le détruire sans insecticide, en bouchant le trou d’entrée avec du coton, puis en le mettant dans un sac avant de le détacher et de tuer la colonie par congélation.
Il faut toujours être équipé d’une combinaison de protection contre les frelons.

Il ne faut pratiquer la destruction au fusil qu’en dernier recours (pour les nids beaucoup trop hauts). Il est impossible avec cette méthode de détruire toute la colonie, dans ce cas il y aura toujours des individus qui survivront et le risque d’accident restera important.

Il est préférable de se limiter à ces méthodes de lutte tant que de nouvelles techniques plus efficaces n’auront pas été mises au point. Cela ne veut pas dire « rester inactif » mais « faire au mieux dans l’état actuel des connaissances ».

Quentin Rome et Claire Villemant du Muséum National d’Histoire Naturelle